LA CORNE D’ABONDANCE

LA CORNE D’ABONDANCE

Le symbole de l’abondance – Une source de richesses inépuisables

– par Gérard Jammes

Lors de ses initiations et dans les manuels s’y rapportant, Nita nous enseigne que nous avons, toutes et tous, droit à l’abondance dans tous les domaines de notre vie et que nous avons parfaitement le droit de le demander dans le cadre d’une affirmation positive. La salutaire énergie Reiki peut alors nous aider à bénéficier de cette abondance dans la vie de tous les jours.

« Abondance de biens ne nuit pas ! ». Mes parents reprennent régulièrement ce proverbe et dans leur esprit, l’important est de faire bien. Agir bien, dans le respect des règles morales bien sûr, mais surtout dans le respect de l’autre.

Je me retrouve totalement dans cette recherche de l’abondance, à condition toutefois d’y apporter deux précisions. D’une part, l’abondance que nous devons souhaiter pour nous-mêmes et pour les autres ne concerne pas seulement les richesses matérielles, mais aussi les richesses spirituelles que nous avons le devoir de développer. D’autre part, cette abondance n’est pas destinée à assouvir des besoins égoïstes, mais elle doit se partager.

Les traditions nous enseignent également ces notions de richesse spirituelle et de partage que nous retrouvons dans de nombreux textes fondateurs.

Dans la mythologie grecque, la corne d’abondance est un objet mythologique ayant la forme d’une corne de ruminant ou de coquille de triton. Elle est un des symboles de Ploutos, le dieu de la richesse et de l’abondance.

Selon une version de la légende, Zeus, alors qu’il n’était encore que bambin, fut confié par sa mère Rhéa à la chèvre Amalthée afin que son père Cronos ne le dévore pas. Il fut donc élevé et nourri par cet animal. Et un jour, alors qu’il s’amusait, il arracha par inadvertance une des cornes de sa nourrice. Plus tard, lorsqu’il devint grand chef de l’Olympe, Zeus donna à la corne le pouvoir de fournir à profusion des pierreries, des fleurs et des fruits.

Pour d’autres, Hercule eut à se battre contre le Dieu fleuve Akhéloos qui, pour l’occasion, se transforma en taureau. Au cours de la bagarre dont il sortit bien évidemment vainqueur, Hercule arracha une des cornes de l’animal qui fut ensuite remplie de fruits et de fleurs par les nymphes, et dont le contenu ne cessa plus d’être délivré à la demande.

Quelle que soit l’origine de la corne, c’est de l’abondance des bonnes choses qui en sortent que nous vient l’expression. La corne d’abondance est synonyme de source inépuisable de bienfaits. Dans l’iconographie païenne, elle symbolise aussi la charité, l’espérance, la fortune, la générosité, la prospérité, la richesse.

L’idée que cette corne serait celle du Dieu fleuve Akheloos, remplie de fruits par une nymphe mystérieuse, est intéressante. En effet, tous les fleuves sont les richesses d’un pays et, dans l’Antiquité, ils ont toujours été rattachés au Ciel et aux étoiles, car l’abondance n’est pas que physique, elle est surtout spirituelle depuis les temps les plus anciens.

Par analogie, ces fleuves qui charrient l’abondance sur les terres sont aussi la part divine que les Dieux apportent aux hommes par leurs dons. Ainsi le Nil en Egypte fut le don des dieux, non seulement par son apport nourricier, mais parce qu’il représentait « la voie lactée » comme le lait de la chèvre qui nourrit Zeus enfant. Ce lait est celui de la Connaissance, dont les initiés égyptiens savaient conserver l’authenticité.

S’alimenter est pour l’homme une nécessité absolue. Sans alimentation, pour lui comme pour tout être vivant, végétal ou animal, il n’y a pas de survie possible. Ce besoin exprime sa condition d’être vivant ; se nourrir, c’est vivre au même titre que respirer.

Or, nous vivons actuellement un rapport à l’alimentation complètement inédit, comme frappés par une épidémie de suralimentation, inconnue des siècles passés. Au milieu de la surabondance des rayonnages de nos supermarchés, nous ne savons plus établir un lien entre ce que nous mangeons et le travail de la terre. Les enfants des villes n’ont aucune idée de la provenance du contenu de leur assiette.

Pourtant, depuis les âges révolus de la cueillette, toute production agricole repose sur un échange constant entre l’homme et la nature : il ne reçoit de ses champs et pâturages que ce qu’il y a semé, entretenu, irrigué, récolté dans un labeur ininterrompu. C’est également un échange entre les hommes qui partagent les fruits de leurs récoltes, différents selon la nature des terrains et des sols.

De même que l’homme ne peut, une fois pour toute, être rassasié et s’abstenir de manger, il doit alimenter sa vie spirituelle en permanence. Ces échanges et ce partage des nourritures terrestres et spirituelles sont aussi mis en évidence dans les traditions orientales.

La tradition du bouddhisme zen nomme souvent la réalisation spirituelle ultime, l’Eveil, le « Grand Festin ». Eihei Dögen (1200-1253), le fondateur de l’école Sötö du bouddhisme zen au Japon, est considéré comme un des plus grands Maîtres du bouddhisme japonais. Parmi les nombreux ouvrages qui décrivent sa vision philosophique et spirituelle, le Tenzö kyökun « Instructions au cuisinier zen » s’adresse au cuisinier d’un monastère zen, fonction qui suit immédiatement l’abbé dans l’ordre hiérarchique de la communauté monastique.

Le cuisinier y est plus important que le maître des novices ou le prieur, non pas pour des raisons pratiques, mais parce que le travail en cuisine est, pour Dögen, la parfaite image du travail intérieur de la voie zen. Préparer chaque jour un repas sain et nourrissant avec les ingrédients disponibles, sans jamais rien perdre, constitue une éthique profonde.

Le zen a également intégré la vision taoïste d’un univers constitué de deux forces primaires antagonistes et complémentaires, Yin et Yang. Chaque élément vivant résulte d’une dynamique entre ces deux forces : chaque plante, chaque animal, chaque être humain est un mélange complexe des deux, Yin concentration et Yang dilatation. Certains aliments, certains modes de cuisson seront considérés comme plus ou moins Yin ou Yang, charge alors au cuisinier d’équilibrer ses menus dans une véritable diététique cosmique.

Manger en pleine conscience, en reliant le contenu de son assiette à une représentation subtile de l’univers, est ici un acte d’une dimension éminemment spirituelle : les repas zen constituent de véritables liturgies silencieuses.

L’homme s’est toujours rassemblé avec ses semblables pour prendre ses repas, en communauté familiale ou plus élargie. La paléontologie humaine le prouve : la nécessité de partager le feu et les vivres coïncide avec le besoin d’être ensemble, de faire nombre face aux épreuves de l’existence.

C’est au cours des repas que la parole s’échange et ils constituent un lieu essentiel dans l’élaboration des langages. En partageant ses repas, l’homme dépasse dès lors le simple impératif vital : il construit son humanité.

Dans la Bible, de nombreux repas ponctuent tous les récits, du premier fruit malheureusement partagé par Adam et Eve jusqu’au dernier repas, le dîner d’Emmaüs. Ils sont en tout premier lieu des manifestations de l’hospitalité, de l’accueil de l’étranger, de la célébration de moments heureux.

Mais je ne retiendrai pour conclure que le récit de la multiplication des pains (et des poissons). Jésus y fait apparaître miraculeusement de la nourriture en quantité, pour partager, avec l’aide de ses disciples les cinq pains et les deux poissons dont ils disposent.

C’est le geste même du partage qui engendre l’abondance, dont les fruits doivent être consommés dans le respect des lois de l’Univers.

Gérard Jammes
gjammes91@gmail.com