par Pierre JOURDA
Lorsque, à une période de notre vie, nous saisissons et intégrons que nous avons la capacité d’agir sur le cours de notre existence, nous mettons alors toutes nos énergies pour trouver une voie et appliquer ses enseignements. Nos instructeurs font parfois référence à des personnes dont l’expérience est un exemple pour tous. Ces êtres, qu’on appelle éveillés ou libérés, sont comme des phares sur l’océan de la vie. Ils brillent pour indiquer le bon chemin « aux égarés » que nous sommes. Ils sont devenus des guides pour toutes les générations, et aujourd’hui encore, ils influencent la nôtre.
Les annales relatent que la plupart de ces personnages exceptionnels vivent une enfance analogue à leurs contemporains. Ce n’est que plus tard que leur expérience ici-bas se métamorphose. Le processus de transformation se déclenche alors après un choc émotionnel, vécu dans la douleur. Le traumatisme les conduit à une prise de conscience élevée et à une remise en cause de toutes leurs valeurs et croyances. Ce fut le cas notamment pour Bouddha mais également pour Jiddu Krishnamurti (1895 – 1986), lors de la mort en 1925 de son jeune frère Nityananda, atteint de tuberculose. Son départ précipité provoqua chez J. Krishnamurti une profonde mutation intérieure qui aboutit à la rupture de toutes les chaînes psychologiques qui l’entravaient.
D’autres fois, cette transformation peut être quasi instantanée, comme ce fut le cas plus récemment pour Byron Kathleen Reid (connue sous le nom de Byron Katie), ou elle peut survenir sur une période relativement longue et par paliers. Elle ressemble alors à celles de la chenille qui passe généralement par quatre ou cinq stades larvaires avant d’entamer une mutation. La métamorphose de la chenille en papillon est un symbole qui est repris dans toutes les mythologies. De même que le papillon qui émerge de sa chrysalide, l’âme humaine est appelée à renaître des épreuves pour s’éveiller à la sagesse.
La recherche de l’Éveil à tout prix ?
À l’évocation de ces différentes transformations pour atteindre l’Éveil, notre mental, qui aime bien discourir et considérer les faits, peut entrevoir une forme d’injustice : « Pourquoi certains trouvent l’Éveil au cours de leur existence dans cette vie ? Pourquoi certains atteignent l’Éveil instantanément, tandis que pour d’autres, le processus est plus long ? Qu’ont-ils fait de plus ? Qu’en sera-t-il pour nous ? Etc. » J’avoue ne pas avoir de réponse à ces interrogations mais ont-elles un réel intérêt ? Ce qui est sûr en revanche, c’est que certains l’ont été, tandis que d’autres le sont aujourd’hui ou le seront demain. L’erreur grossière que nous pourrions commettre serait de rester fixés sur ce seul objectif : « La recherche de l’Éveil à tout prix ». Nous aurions à coup sûr l’assurance d’entretenir la frustration d’un vide permanent, car finalement, très peu y accéderont dans cette vie présente. Mais ce qui me paraît le plus important, c’est que si nous remplaçons tous nos désirs de la vie matérielle par un nouveau désir : celui de l’Éveil, et que nous le recherchons avec autant de force que si nous voulions une voiture, c’est toujours le « JE » qui veut l’Éveil. Or, la seule chose qui empêche l’Éveil, c’est qu’il y a un « JE ». Donc, « JE » ne serai jamais éveillé, parce que l’Éveil, c’est l’absence de « JE ».
Souvenons-nous des paroles de Bouddha :
« Nous devons être ouverts aux résultats, plutôt que s’attacher à eux ».
On ne peut rechercher que ce que nous avons déjà connu
Nous avons tous, au moins dans le principe, une certaine conception de l’Éveil. Cependant, nous sommes mal à l’aise pour répondre à certaines questions, du genre : « Que peut ressentir un être éveillé sur le plan physique, dans sa chair ? A-t-il des émotions ? Qu’est-ce qui l’anime ? Comment se perçoit-il ? Quelle est son attitude mentale ? Quelle est la nature de sa relation aux autres, à la Vie, à l’Univers en général ? ».
Nos réponses restent troubles et nous pensons que c’est normal puisqu’à priori, nous n’avons jamais éprouvé cet état. Je dis à priori, parce qu’il se pourrait que ce soit justement le contraire. Il se pourrait que nous l’ayons déjà vécu une fois au moins. Comme il a été souligné précédemment, nous en avons tous une certaine idée, c’est la trace futile restée engrammée dans notre mémoire cellulaire ou dans notre inconscient. Certaines traditions relatent qu’à notre arrivée sur Terre, nous sommes des êtres purs et parfaits. Nous possédons alors la connaissance et la conscience de TOUT. De « Qui nous sommes », « D’où nous venons », « Quelle est notre mission ici-bas », « Qu’est-ce l’Univers », « Quel est le sens de la Vie »… Et justement, si, aujourd’hui même, nous (re)cherchons plus ou moins consciemment l’éveil, c’est parce que précisément nous l’avons déjà connu au moins une fois. On ne peut rechercher que ce que nous avons déjà connu, sinon on ne le chercherait pas à nouveau. Or, très peu de temps après la naissance, nous subissons un drame que l’on nomme « la séparation ». C’est-à-dire que nous perdons la connexion entre notre MOI conscient (ce que nous sommes au quotidien) et notre MOI supérieur (spirituel), notre étincelle divine. Dès lors, le voile de l’illusion tombe sur nous et nous sommes déconnectés de la réalité de la vie. Et justement, le but de notre expérience dans cette vie incarnée consiste à travailler pour enlever ce voile et qu’apparaisse à nouveau la vérité transcendante. Dès lors, nous ne sommes plus victimes de nos illusions, de notre ignorance et du désir. Malheureusement, dans notre quête, nous nous rendons compte qu’ôter ce voile est quelque chose de moins aisé qu’il peut paraître lorsque nous dissertons.
Nos conditionnements
Il ne suffit pas de simplement comprendre le principe, pour parvenir à se libérer. Une des raisons à cela, c’est que nous sommes programmés. Tous les maîtres de sagesse le disent, nous avons à nous reprogrammer, à nous libérer des conditionnements créés par notre éducation, notre milieu familial, notre société, nos croyances culturelles, nos croyances religieuses… Et évidemment, sans qu’il soit nécessaire de se culpabiliser, nous devons bien reconnaître que nous contribuons largement à entretenir nos propres conditionnements, par faiblesse parfois et manque de courage aussi.
« La société nous influence tous, elle façonne notre pensée, et cette pression extérieure de la société se traduit peu à peu sur le plan intérieur ; mais aussi profond qu’elle pénètre, elle agit toujours de l’extérieur, et l’intérieur n’existe pas pour vous tant que vous n’avez pas brisé l’emprise de ce conditionnement. (…) La mémoire est le résultat d’une éducation donnée dans un milieu donné. Elle est l’entrepôt de tous les conditionnements passés. Et la pensée n’est que la réaction de la mémoire face à un stimulus. La pensée ne peut donc que perpétuer ce conditionnement. » J. Krishnamurti.
Un autre aspect qui va de pair avec le conditionnement concerne notre cerveau, et plus précisément son mode de fonctionnement actuel. Je laisse à Isabelle Padocani, gardienne du son, le soin de préciser cette notion :
« Avant que le principe de Kototama soit caché, le rythme de notre cerveau (MANA) se synchronisait en permanence avec l’activité des rythmes universels (ANA – la source). Notre langage (KANA) était alors le reflet exact, dans « l’ici maintenant » du vivant… Depuis l’occultation du principe de Kototama et jusqu’à aujourd’hui, les principes de MANA et KANA sont séparés ; le cerveau n’exerce plus sa fonction de récepteur, et les sons que nous prononçons sont issus d’un langage arbitraire conventionnel : nous avons une voix, mais nous avons perdu le « verbe ». C’est la raison pour laquelle nous ne trouvons jamais la paix intérieure et notre mental est sans cesse agité : il est perturbé par les sons disharmonieux qu’il entend en KANA. Le lien ANA/MANA étant interrompu, la pratique de Kototama propose d’atteindre MANA et KANA, en prononçant les « mots – âme » conservés par les gardiens du son… Ainsi le cerveau va recevoir à nouveau l’énergie originelle d’ANA et retrouver peu à peu, par résonance avec la vibration de celle-ci, sa fonction première de récepteur : il pourra alors à nouveau « résonner » avec le vivant, au lieu de « raisonner » en vain…
En nous permettant de reconnecter l’essence de toute chose, c’est notre propre nature essentielle et originelle que le Kototama nous permet de retrouver. Par le voyage intérieur sur le vaisseau du son, la pratique de Kototama offre la possibilité de rétablir le lien intime entre l’ego et le soi, entre le corps et l’esprit, dans le ressenti intime de la vibration du son… »
Si aujourd’hui, nous sommes attentifs, nous devons bien constater que notre cerveau émet en permanence pour juger, jauger, décider, trancher, exiger, étiqueter, classer, bref ! Il veut tout analyser, tout diriger et dans tous les domaines de notre existence. Quelle que soit la situation vécue, il ne faut pas longtemps pour se rendre compte que les réflexions que nous faisons ne servent pas l’instant présent. Nous sommes passés d’un langage pur au langage « HILUKO » qui signifie : impur, impropre, arbitraire et conventionnel. Or, nous savons que des pensées pures amènent des paroles pures qui induisent des actes justes. La parole est le reflet de ce que nous sommes au plus profond de nous et de ce que nous sommes devenus au fil du temps, par tous nos conditionnements et notre soumission bienveillante à la société en général.
Vivre en conscience
Pour qui veut faire un pas de plus dans la réalisation de soi, il est essentiel de travailler sur tous ces aspects, même si nous n’avons pas l’assurance de parvenir jusqu’au total lâcher-prise du mental et de l’ego.
C’est bien de cela dont il s’agit, c’est le passage obligé pour arriver au sommet du pendule (cf. « La Théorie du pendule » dans La lettre Reiki nº 42). C’est une grande et belle aventure que d’essayer de vivre (de plus en plus) en conscience et donc de s’observer dans tous les actes de notre vie, pour passer de l’état de « victime » à celui « d’acteur » (ou de « sauveur » comme le dit Dolorès Lamarre – La lettre Reiki nº 49). Le mouvement de réalisation de soi ne passe par personne, même si l’enseignement des Maîtres spirituels favorise et accélère notre processus d’éveil en conscience.
Écoutons à ce propos ce que dit Krishnamurti dans sa « Lettre aux étudiants » :
« Vous devez être votre propre maître et votre propre disciple. Il n’y a pas d’Instructeur en dehors de vous, pas de Maître, pas de Sauveur ; c’est vous-même qui devez vous modifier, donc apprendre à vous observer, à vous connaître. (…) C’est un processus qui, consciemment ou inconsciemment, continue sans arrêt et qui, par conséquent, n’est pas limité à certaines heures de la journée. C’est une action continue, du matin jusqu’à la nuit – une observation sans observateur. Il n’y a donc pas de division entre la vie quotidienne et la méditation. (…) La vérité est en nous. Mais chercher seul n’est pas pour autant impératif, une « collaboration amicale sans aucune autorité » est préconisée. »
Une autre de ses déclarations le résume parfaitement : « Ma seule préoccupation est de rendre les hommes absolument et inconditionnellement libres. (…) Ce sont les enseignements qui comptent, pas l’instructeur qui les délivre. »
Autrement dit, nous devons observer quotidiennement avec quoi nous sommes en résonance, parce que toute la vie se résout à juste percevoir instant après instant où je suis, et qui je suis. Qui est en train de vivre ici maintenant ?
Est-ce que c’est l’Être « Je sens » ?
Est-ce que c’est l’Être « Je sais » ?
Est-ce que c’est l’Être « Je suis » ?
Il est probable que dans notre recherche, nous serons alternativement fixés sur un de ces aspects, à l’inverse de l’Être libéré ou éveillé, qui est capable de voir simultanément chacune des trois dimensions.
Pour tous les chercheurs de Lumière
Nous avons bien saisi que nous n’avons aucune assurance d’atteindre un jour l’Éveil dans cette vie présente et, par ailleurs, que cela ne doit pas être une priorité. En revanche, nous pouvons travailler à vivre de plus en plus en conscience pour moins souffrir, accéder à une certaine harmonie, à un certain bien-être, à vivre en paix (la paix de l’âme) et, si possible, être plus heureux. Mais au fait, un éveillé nous questionnerait sans doute : « Qu’est-ce, être heureux ? ».
Puisque j’ai cité Byron Katie, je lui laisserai le soin de conclure :
« Lorsque vous vous disputez avec la réalité, vous perdez, mais seulement toujours ».
À bon entendeur, salut !
Pierre JOURDA
Maître Enseignant Reiki
USUI/TIBET/KARUNA®/TEATE
www.reiki-institut.org